Été 2010, Marché aux puces de Mauerpark, Berlin,
Apres avoir passé un bon quart d'heure à manipuler des images-souvenirs de vacances en Bavière et quelques centaines de photos de familles anonymes d'un autre temps , je tombe sur ce cliché .
Deux hommes, dont un dignitaire de l'armé, se font tirés le portrait dans une pause fraternelle, devant l'arbre de Noel d'un appartement cossu. Ils ont l'air plutôt proches, leur visage s'animant pour l'occasion d'un sourire complice. A en juger aux nombreuses bouteilles de sekt solidement cachetées qui jonchent encore le sol, la soirée ne fait que commencer.
En quelques secondes pourtant, cette vision hivernale pleine d'honorable gaité se crispe un peu. Je retourne l'image , pour y trouver de quelconques informations ; une seule date, écrite au crayon d'une main frêle : 1943
En y regardant de plus près, je m'aperçois soudain que le pourpoint de l'homme en grande tenue porte un aigle et une swastika, blason que je crois également discerner sur le col sombre de son acolyte. Ce qui me fige alors n'ai pas tant d'avoir mis la main sur un tirage d'époque représentant des nazis, mais sur une image qui les montrent en pleine disparition.
Translucides , ces deux silhouettes s'évaporent totalement , laissant voir par transparence les motifs du tapis sur lequel ils posent et le scintillement argentés des cheveux d'anges qui ornent le sapin. Qu'il s'agisse d'une double exposition volontaire ou d'une erreur de manoeuvre , la vision momentanée de ces spectres du III ème Reich m'a glacé le sang.