mardi 10 avril 2012

Grus Americanus - Cindy Sherman , femme-proie en diorama

Rétrospective de Cindy Sherman au MoMA : Au dernière étage de l'institution new-yorkaise,  Janus  et ces mille masques déploie sur les cloisons du musée les facettes d'un visage photographié sous toutes les coutures. Bien qu'il se démultiplie à l'infini,  le minois de l'artiste américaine reste une énigme fardée et impénétrable que trente ans de carrière  n'auront fait qu'étoffer. Une fois l'identité de l'artiste dissoute,  la réalité physionomique révèle la féminité dans toute sa complexité,  parfois sublimée,  souvant parodique,  virant sans remords vers le grotesque. 

Moi qui pensait bien connaitre l'oeuvre de Sherman , j'ai été désarçonné en apprenant que l'univers hystérique de la mode avait fait appel à ces talents. Sherman a en effet  réaliser de nombreux clichés publicitaires destinés à finir dans des magazines comme Harper's Bazaar , Vogue ou Cosmopolitan. Il y a là la trace d'un parti-pris incongru mais judicieux venant des marques de prêt-à-porter qui ont choisi pour promouvoir leur garde-robe, un caméléon femelle capable de se muter en tous archétype féminin, même les plus dérangeant.

Une seule chose est sur : pas de compromission possible, Sherman a, dans ces séries comme dans les autres , un contrôle drastique sur son image et il n'est pas possible de lui imposer de quelconque figure de style. De la même façon, les atours qui l'habillent ne sont qu'un point de départ autour duquel s'édifie la trame narrative de l'image et ne constitue pas une entrave à sa théâtralité. 


Parmi toutes ces mises en scène, l'une d'entre elle à retenu mon attention. La jeune femme s'y représente en pied, recouverte d'une cape de plumes blanches, dans un décor plutôt ambigüe, à la fois naturel et grossièrement fabriqué. Son air craintif et retenu tranche avec l'exubérance qu'elle affiche parfois, une attitude austère reprise par la pâleur de l'image qui dénote de  son amour traditionnelle pour la couleur.

Ce type de composition , Sherman l'empreinte au diorama, un dispositif de présentation que l'on retrouve d'ordinaire dans les musées d'histoire naturel américain, notamment à New York et Chicago. Dans ce système muséographique,  les animaux naturalisés sont mise en scène dans un décor représentant leur habitat naturel,  reconstitué en trompe l'oeil sur un panorama peint.  Sur cette image , Sherman donc détourne l'esthétique d'un système de présentation à but pédagogique, se métamorphosant en Grue Blanche , copiant l'attitude gracile et apeurée du plus grand oiseau du continent American et devenant une femme-proie mise à nue par les regards des fashionistas avides de papier glacé.


Grues Blanches , Diorama du Museum of Natural History , New York.

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